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Alain de La Morandais
26 février 2006

homélie du 25-02-06

Chapelle de l’Agneau Vainqueur 25-02-06

Séduire ? Osée II, 16-17

« Seigneur, Tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ; Tu m’as fait subir ta puissance et Tu l’as emporté … Il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir. » (Jérémie XX, 7-9)

Séduire, séducteur : ces mots, pris généralement dans un sens dépréciatif, sont, à première vue, assez surprenants lorsqu’ils sont appliqués à Dieu. Et pourtant un Dieu « séducteur », voilà qui n’est pas fait nécessairement pour nous déplaire, si l’on se donne la peine de réviser quelques préjugés sur la séduction.

En tout cas, un fait théologique traditionnel est là pour l’at

test

er : des prophètes comme Osée et Jérémie appellent Dieu Nommément séducteur , alors qu’on applique couramment cette épithète sulfureuse au Diabolos, au Diviseur … au diable !

Etymologiquement, séduire vient du latin « seducere » qui signifie « mené à part , séparer ».Le latin ecclésiastique du Moyen Age a tout de suite donné à ce mot un sens moral orienté : détourner du droit chemin, sens qui n’est nullement contenu originellement. Menée à part, séparée, qui l’est plus qu’une personne attirée de manière puissante par une vocation particulière ? C’est le mouvement propre à qui se donne de tout son être, jusqu’à se séparer du lot commun ; à qui se voue à une cause, à une quête, à une recherche, à une mission qui participe d’un grand dessein. Le prophète, le poète, l’amoureux, l’artiste, le religieux, le prêtre, le savant, le créateur et l’inventeur sont des gens séduits, passionnés, qui mobilisent toutes leurs énergies, qui sacrifient tout pour l’objet de leur séduction. Il nous semble que, malheureusement, dans son acception ordinaire, on ait confondu séducteur et conquérant, ou prédateur. Or, psychologiquement et spirituellement ce sont des réalités très différentes que recouvrent ces mots.

Le conquérant repère une proie, et par un mouvement rapide fond et saisit sa proie qui n’a pas bougé. Il n’y a aucun fonctionnement relationnel vrai. Tout est dans la surprise, la rapidité et se résout par la possession. La proie n’est qu’un objet, faisant partie d’un butin, d’une collection. Le conquérant existe par l’accumulation de ses conquêtes et sa course en avant. Dieu ne saurait être un conquérant.

Dans la vraie séduction, il en va tout autrement. C’est une rencontre, un mouvement réciproque de l’un vers l’autre, une progressivité dans la dynamique, une responsabilité mutuelle qui s’engage, un débat. Il n’y a pas d’un côté un actif qui fait tout, et de l’autre, un passif qui attend et se rend. Mais il y a deux libertés qui s’exercent, se plaisent, cherchent le dévoilement mutuel de leurs vérités l’une par l’autre, et qui finiront peut-être par se livrer l’une à l’autre. Dans ce sens-là, DIEU nous parait un merveilleux SEDUCTEUR dont la pression et la relâche sur le cœur n’en finissent pas de ne pas finir. C’est un débat amoureux entre l’Homme et son Dieu, où il n’y a ni vainqueur, ni vaincu.

Est-ce à dire que cette étrange passion ne connaîtra que les émotions et les tremblements, les joies et les transports, les consolations suaves et les douceurs terrestres ? Non. Pas plus que dans l’aventure des amours humaines. Un autre prophète, Osée, qui a parlé de la séduction divine, écrivait en parlant de Dieu qui s’adressait à la prostituée qu’était devenue Israël : «  C’est pourquoi je vais la séduire et la conduire au désert, et je parlerai à son cœur » Après la séduction, l’épreuve de l’amour au désert.

A peine saisi – et quelle Joie ! -, l’Autre échappe, « comme l’oiseau du filet de l’oiseleur », devient un inconnu, insaisissable. Douleur de la distance. Epreuves … Croix, oui, écartèlement de tout amour. La « croix » est indissociable de toute forme d’amour, elle lui est conjointe. Non pas qu’elle soit une fin en soi. Non. Le but, la finalité, c’est la connaissance de l’Amour. La croix n’est qu’un passage. Le sacrifice n’a pas à être désiré pour lui-même. Il n’est que signe, moyen de dire l’amour : renoncer à quelque chose – ou à quelqu’un – pour l’épanouissement de l’autre qui est aimé, cela n’est en rien doloriste ou stoïque. L’amoureux se sacrifie en toute paix et Joie du cœur : il ne fera jamais de son sacrifice une souffrance brandie, un chantage ou une punition. Et c’est pourquoi cet amour-là aime à s’envelopper du silence et sait trouver halte au désert.

Père de La Morandais

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