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Alain de La Morandais
8 avril 2006

homélie Rameaux

Chapelle de l’Agneau Vainqueur dimanche 9-04-06

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas …. » Jean XII, 24

Face aux « verrous de la mort », quel que soit l’âge, la situation , la lutte contre la souffrance ou le paisible abandon, chacune et chacun d’entre nous ne peut retenir cette plainte, qui fut celle des pèlerins d’Emmaüs, lorsque le Christ disparaît définitivement à leurs yeux : « Reste avec nous .. le jour baisse. » Plainte suivie de l’incessante interrogation : « Pourquoi ? … Et après ? »

Devant la mort, quelques soient les certitudes de la foi, notre bouche s’entrouvre encore pour prononcer cette

Supplique, empreinte de détresse et de tendresse : « Reste avec vous … le jour baisse … »

Dans la foi, ou son refus, , comme dans l’amour, nous n’avons pas de preuves mais que des signes. Les preuves contraignent à l’assentiment : leur caractère irrécusable ne laissent aucune alternative. Les signes, eux, ouvrent un espace : celui du refus, des doutes et des atermoiements, ou bien celui de la foi. L’amour ne se prouve pas, en ce sens qu’il ne peut contraindre mais il se signifie, c'est-à-dire qu’il pose des jalons sensibles pour toucher le cœur et l’intelligence afin de les conduire, en toute liberté, à l’acquiescement. Ainsi le Christ, tout à fait non directif, posait des « signes » - des miracles, c'est-à-dire des guérisons, des surrections de la mort et non pas des prodiges cosmologiques et spectaculaires – pour que les cœurs et les intelligences se mettent en question.

Les preuves sont de l’ordre de la nécessité. Les signes sont de l’ordre de la liberté. Il y a un ordre de la nécessité pour Jésus : passer par sa Passion, en toute fidélité à l’esprit du Père et à sa mission : sa mort n’est pas un but, mais elle est inscrite dans l’acceptation de la mission. Il y a un ordre de la nécessité pour toute créature humaine qui est par exemple de celui de mourir : il est inscrit dans l’acte même de l’engendrement, biologiquement. Il y a un ordre de la liberté pour des amours conjugales : celui d’aimer pour engendrer mais mesure-t-on bien, lorsqu’on se décide à faire un enfant que, ce faisant, on participe directement à inscrire ce nouvel être humain dans la finitude mortelle ? Avons-nous l’image du Dieu Créateur qui déciderait, du haut de sa Toute - Puissante Connaissance, qu’il va donner la vie à tel ou tel, à l’instar de ces géniteurs humains que nous venons d’évoquer ? Si tel est le cas, cette image va devenir vite insoutenable par son apparence d’abus de pouvoir : « Je donne la vie, je la reprends ! »

Et pourtant si Dieu est bel et bien Créateur, il ne l’est pas comme un géniteur ponctuel qui selon son bon plaisir donnerait et reprendrait la vie, selon une décision singulière. Non ! Il est créateur comme Source originelle de toute forme de vie, comme Acte Pur, initiateur et Premier Moteur de l’ébranlement cosmique de la Vie, qui va se déployer depuis l’atome jusqu’à l’Homme. En vertu de notre appartenance au monde, la mort est inscrite naturellement dans notre identité. Elle n’est pas la punition du « péché originel » ou personnel, mais inscrite dans l’acte créateur lui-même. Et si saint Paul a pu écrire que « la mort est le salaire du péché », comprenons surtout bien qu’il voyait là, dans l’image de la mort physique, l’image de la mort spirituelle, du péché, du déni d’amour et de justice.

Il y a autant de rapport entre le Dieu créateur qui donne la vie qu’entre la source et le fleuve : une fois, le ruissellement des eaux issu du rocher, la responsabilité initiale de la source n’influe en rien sur les conditions géologiques ou météorologiques qui, selon leurs lois physiques propres, vont faire du cours d’eau un fleuve impétueux et clair ou une maigre rivière alanguie et polluée qui se fondront, quoi qu’il en soit, dans les flots des océans. Il en va de même de la finitude d’une vie humaine.

Mais si la mort physique est de l’ordre naturel des choses, le péché a quand même quelque chose à voir dans le combat que nous devons mener contre la maladie, l’illettrisme, la misère, la faim, les guerres et les injustices qui accablent l’humanité. De cela notre liberté et notre dignité d’homme sont responsables. Accuser un Dieu à notre guise pour nous défausser de nos responsabilités revient à salir l’image de l’Homme, et à caricaturer celle de Dieu pour nous justifier de la rejeter.

Si nous, chrétiens, en ce début de Semaine Sainte, au jour où nous célébrons la Passion du Christ, nous osons toujours croire que la mort n’est pas l’amie de Dieu, c’est parce que le Christ, dans sa vie humaine, n’est pas venu supprimer d’un seul coup la souffrance, ni l’expliquer, ni la justifier ; c’est parce que Lui, Fils d’homme et Fils de Dieu, tel un grain de blé acceptant librement l’enfouissement dans la terre, Il est venu assumer la mort d’homme, la porter et la transformer. Sa Résurrection, par la puissance recréatrice du Père, nous dit que la mort est déjà vaincue et que si le grain de blé, par sa décomposition même, est non pas la preuve mais le signe de la fertilité à venir, alors nous croyons que toute mort est l’annonce d’une nouvelle naissance.

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