Le miracle Marc, 1, 40-45
Il nous est souvent difficile d’aborder la question du miracle, parce que derrière elle se pose notamment le problème du rapport de Dieu et des causes naturelles.
Longtemps le dilemme a été le suivant : ou bien c’est Dieu qui agit, ou bien ce sont les causes naturelles. Comme si ce qu’on enlèverait à Dieu pourrait grandir l’homme, et ce qu’on ravirait à l’homme pourrait exalter la transcendance divine.
Puisque ce n’est pas du fait de l’homme, c’est donc de Dieu ?
Un critère semblable est-il valable ?
Non, car on ne peut jamais dire exactement ce qui n’est pas de l’homme pour en déduire ce qui serait de Dieu seul.
Pour reconnaître qu’il y a un miracle, faut-il choisir entre Dieu et les causes naturelles ? Ce dilemme peut être surmonté.
Plus Dieu agit, plus la créature elle-même est invitée à agir avec intensité et peut produire du « neuf », se dépasser elle-même. Là se manifeste l’agir libre et singulier de Dieu.
Le rapport Dieu/monde peut fort bien être exprimé sans imaginer Dieu comme un être qui « intervient » dans le monde – un démiurge ! - , car, dans ce cas, on le rangerait parmi les causes naturelles qu’Il supplanterait, et la véritable transcendance de Dieu serait méconnue.
Il y a comme une synergie de l’homme et de Dieu (synergie = association de plusieurs fonctions, de plusieurs facteurs qui concourent à une action unique, à un effet d’ensemble).
Autrement dit, la parfaite transcendance est une parfaite immanence. La présence divine est à la fois souverainement au-delà de nos forces, de notre atteinte, nous dépassant radicalement et en même temps proche, intime, intérieure, inséparable de notre être et passant par tout ce que nous sommes.
Inutile alors de représenter Dieu comme « intervenant » dans le monde, à la manière de Quel qu’UN qui lui serait extérieur.
C’est le propre du regard du croyant que de découvrir dans le cours naturel du monde la présence aimante et active de Dieu, une action qui ne se substitue pas à l’activité humaine, mais lui donne de devenir pleinement elle-même. Dans le miracle, le croyant reconnaît la surabondance de l’amour divin.
Dieu ne supplante pas l’homme mais en parachève l’activité : Il agit à travers les forces de l’homme … et des causes naturelles dont Il est à l’origine.
Et si Dieu ne supplante pas l’homme, mais en parachève l’activité pour que se produise un miracle, cela veut dire que la liberté de l’homme n’est plus escamotée. Un miracle pourrait alors être décrit comme l’acte d’un esprit qui se retrouve plus complètement que d’habitude, qui conquiert momentanément une part de ses richesses et de ses ressources profondes.
Le miracle serait l’acte d’une liberté qui se retrouve plus complètement que d’habitude, débarrassée de toute peur – « Ne crains pas, crois seulement ! » - parce qu’elle laisse passer toute la puissance de Dieu. En ce sens-là, oui, la toute puissance divine n’est opérationnelle qu’avec l’accueil de notre acte de foi ! « Dieu a besoin des hommes », en quelque sorte.
Alors le croyant peut découvrir dans le cours naturel du monde la présence aimante et active de Dieu, présence-action qui ne se substitue pas à l’activité humaine mais lui donne d’être pleinement elle-même.
Bibl. F.X. Léon-Dufour, article in « Catholicisme »