" Lève-toi et marche .. " _
« Lève-toi et marche .. » Marc
II, 1-12
Un récit de miracle ne se présente
pas comme une « preuve » de la messianité de Jésus Mais comme une
question posée ; comme en témoigne cet épisode relaté par Marc, peu après
la guérison d’un mal-voyant à Bethsaïde, dans lequel nous voyons le thaumaturge de
Nazareth poser cette première question à ses disciples : « Qui suis-je, au dire des gens ? »,
pour enchaîner sur une seconde : « Mais
pour vous qui suis-je ? »
Le récit de miracle vise à susciter la question qui peut conduire à
l’assentiment de foi mais non pas à démontrer. La question concerne
d’abord l’identité du thaumaturge, ensuite le miraculé, puis l’entourage.
Aujourd’hui, dans cette guérison du paralytique, le plus admirable de la
situation n’est peut-être pas le paralysé de ses membres qui les redresse
dans la vigueur d’une jeunesse qu’il semble recouvrer, tâtant ses
membres et puis tout son corps dans balbutiement qui le fait pleurer de
reconnaissance et de joie. Le plus miraculeux – ce qui pousse les foules
à glorifier Dieu ! – c’est qu’elles ont retrouvé le vrai
visage de Dieu : un Dieu qui pardonne à ses enfants et, qui plus est,
remettra aux hommes un pouvoir aussi redoutable qu’il semblait – à
juste titre ! - être el seul
privilège de Dieu, et que celui qui s’arrogeait ce droit se dressait au
pinacle des dieux, ce qui explique pourquoi la Loi juive punissait ce crime de
mort.
Oser pardonner publiquement des
péchés c’est provoquer l’accumulation des vengeances des pharisiens
et des scribes qui ne peuvent que méditer la mort ce celui qui, à leurs yeux,
usurpe un privilège divin. Mais qui s’étonne aujourd’hui
qu’un disciple du Christ puisse pardonner tout péché au nom de Dieu ?
Il y a les miracles du Christ de
l’Evangile et nous en connaissons le sens : « pour que vous sachiez que le Fils de
l’Homme a la même puissance que Dieu, son Père ! »Ce
qui peut motiver la foi, ce sont les signes que Dieu nous donne. Pas seulement
hier, mais aujourd’hui. Les signes d’un Amour qui vit et qui agit
aujourd’hui et depuis toujours notamment par son Eglise. Nous ne nous
contentons pas de croire à un Christ historique qui a agi, qui a fait des
miracles, dans un passé lointain dont nous déchiffrons peu à peu le sens.
Une foi qui sait lire les miracles
d’aujourd’hui, les signes d’amour d’un Christ vivant
dans son peuple, vivant en nous par son Esprit et qui peut faire encore lever
de leurs grabats les paralysés que trop souvent nous sommes. Les miracles
d’hier doivent se comprendre à la lumière d’une petite
phrase-clé : Il est bon pour vous que
je m’en aille. » Ce qui pourrait se traduire ainsi :
« - Je ne
vais pas rester pendant toute votre histoire d’homme à guérir des
paralytiques devant vous, à susciter des Lazare, à calmer des tempêtes, à
remplir vos filets de poissons, à multiplier les pains …C’étaient
là les signes de votre enfance, les bras qui vous guidaient dans les premiers
pas de la foi. Mais je n’ai pas à prendre votre place … Je deviens,
absent, une communauté de personnes qui habitent en vous, un Dieu qui agit en
vous, un Dieu qui agit en vous et par vous, pas un Dieu qui vous aide de
l’extérieur, comme un relais de votre impuissance … »
Ce sont les signes et les miracles
de ce Dieu-là qu’il nous faut savoir lire et relire dans notre vie et
celle de tous nos frères, ces frères qui sont le Corps même du Christ vivant et
agissant, suscitant à nouveau nos morts et nos paralytiques. Miracles de mon
Evangile, miracles de notre Evangile ! Miracles de Dieu pour ses enfants
que l’histoire de son peuple, de son Eglise, bousculée, maculée,
éclaboussée, plus ternie parfois par les siens que par ses ennemis, riche ou
pauvre, humble ou puissante, servante ou servie, société unique dans
l’histoire des hommes, peuple choisi qui pose mystère et problème, Eglise
pas mort, à laquelle un nouveau souffle de l’Esprit lance à travers les
siècles : « Lève-toi et
marche ! »